


On vient de publier le livre ´La Guajira en la Obra de García Márquez´ -La Guajira dans l`Oeuvre de García Márquez- de Víctor Bravo Mendoza (Icono Editorial) , où l`on explique l`influence musicale de ce département colombien sur les histoires de l´écrivain qui a gagné le Prix Nobel en 1982
.

La Guajira est citée dans Cents Ans de Solitude et c est le lieu d´où sont originaires Ursula Iguarán et son mari. Ce département a été le berceau d`un grand nombre de compositeurs et de musiciens qui ont mis de la poésie pour la chanter plus tard dans leurs mélodies ´vallenatas´
García Márquez -GM- dit que Cents Ans de Solitude n`est qu`une chanson de ´vallenato´qu`il a su inscrire sur 100 pages. La musique de ¨vallenatos¨ est celle que l`on joue au rythme de la ¨guacharaca¨, du tambour et de l`accordéon et dont le représentant le plus légendaire est Francisco-L`Homme.
Dans le livre de Víctor Bravo Mendoza on parle de la grande passion que GM éprouve pour la musique en générale: les ¨vallenatos¨, la musique classique, les Beatles, les ¨merengues¨dominicains, et les ¨mambos¨cubains. Dans ce même livre on cite une phrase intéressante de GM qui fait allusion à son amour pour l´art des notes musicales: ¨ Je préfère
la musique aux autres manifestations artistiques, y compris la littérature¨.
Les grand-parents de GM étaient originaires de la petite ville de Riohacha, la capitale de la Guajira, par où -d`après quelques-uns- serait entré pour la première fois dans la Colombie l`accordéon européen.
Les chansons de ¨vallenatos¨-aujourd´hui tout-à-fait liées à l`accordéon- ont été au début les chants des ouvriers agricoles du nord du pays qui sont devenus peu à peu des troubadours annonçant les nouvelles des villages de la région.
L`image poétique et folklorique de Francisco-l`Homme comme musicien voyageur et symbole de la culture de ¨vallenatos¨ apparaît dans Cents Ans de Solitude, le chef-d`oeuvre de GM que
l`on peut lire dans presque toutes les langues modernes. Voilà un fragment de sa version en français:
...Quelques mois plus tard revint Francisco-l`Homme, vieillard de presque deux cents ans qui avait roulé sa bosse de par le monde et passait fréquemment par Macondo, chantant des airs de sa composition. Francisco-l`Homme y relatait avec force des événements survenus dans les villages qui jalonnaient son itinéraire, depuis Manaure jusqu`aux confins du marigot, de sorte que si on avait un message à envoyer ou une nouvelle à faire connaître, on lui donnait deux centavos pour qu`il les mît à son répertoire. C`est ainsi qu`Ursula appris la mort de sa mère, par une coïncidance, une nuit qu`elle écoutait ces chants dans l`espoir d`y trouver quelque chose à propos de son fils José Arcadio. Francisco-l`Homme, ainsi appelé parce qu´il avait vaincu le diable dans un concours de chants improvisés, et dont personne ne sut jamais le véritable nom, avait disparu de Macondo pendant la peste de l`insomnie, et sans prévenir, une nuit, refit son apparition dans l`établissement de Catarino. Tout le village s`en vint l´écouter pour être au courant de ce qui s´était passé dans le monde. Cette fois, il était revenu accompagné d`une femme si grosse qu`il fallait quatre Indiens pour la transporter dans son fauteuil à bascule, tandis qu`une mulâtresse à peine nubile, l´air désamparé, la protégeait du soleil avec un parapluie. Aureliano, cette nuit là, se rendit jusque chez Catarino. Il trouva Francisco-l`Homme, comme un caméléon tout d`un bloc, assis au milieu d`un cercle de curieux. Il chantait les nouvelles de sa vieille voix désaccordée, s`accompagnant sur le même accordéon archaïque que lui avait offert Sir Walter Raleigh en Guyane, tout en battant la mesure de ses longs pieds de grand marcheur gercés par le nitre. Face à la porte du fond par où entraient et sortaient quelques hommes, siégeait et s`éventait en silence la matrone au fauteuil à bascule. Catarino, une rose en feutre sur l`oreille, vendait à l`assemblée des bols de guarapo, et profitait de l`occasion pour s`approcher des hommes et leur mettre la main là où il ne fallait pas. Au milieu de la nuit, la chaleur était devenue insupportable. Aureliano prêta l`oreille aux nouvelles jusqu`à la fin sans en trouver aucune qui intéressât sa famille. Il se disposait à rentrer chez lui quand la matrone lui fit un signe de la main.
¨Entre donc, toi aussi¨, lui dit-elle. Ça ne coûte que vingt centavos¨.
Le vrai Francisco-l´Homme a été un homme appelé Francisco Rada, plutôt connu comme Pacho Rada. Il est mort ancien à Santa Marta il y a quelques années. Une ancienne camarade d´études de l`Université del Atlántico a eu l`opportunité de le connaître. Le grand musicien voyageur qui a inspiré l`imagination de GM a été un personage sorti des entrailles de l`essence populaire, qui recevait les visiteurs dans la salle de sa maison ou dans la terrasse en leur offrant quelque chose à boire pour supporter la chaleur.
Vercin
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire